Et si… Gantz était un manga romantique et Kurono un niais o/ (ou pas) Kei Kurono, 15 ans. Et Dieu sait qu’il est dur d’être un jeune garçon de 15 ans, surtout quand on se doit de préserver une réputation de bad boy, de pervers invétéré a-mateur de gros seins, de mecméchant- qui-serait-même-capable-de-shooter-dans-un-puppy-kawaï. Une réputation n’ayant rien à voir avec la réalité… Car Kei, au fond de lui, ne se sent pas à l’aise dans ce rôle imposé par le mangaka. Malgré les besoins du scénario, il ne peut s’empêcher de rêver, non pas à des nymphettes à poitrine XXL, mais à une belle histoire d’amour sur lit de pâquerettes. Au lieu de shooter dans des puppies, il voudrait les serrer très fort contre lui, les câliner, les chouchouter, leur faire des milliers de bisous. La douloureuse vérité est là : Kei est gentil. Irrémédiablement gentil. Un sucre. Un sucre qui, en bon héros, fait ce qu’il a à faire. Même si cela consiste en l’occurrence à poser un oeil qui se veut graveleux sur la photo d’une fille en bikini, passe-temps préféré du pervers lycéen attendant son train, comme chacun sait. Heureusement, une diversion survient, en la personne d’une vieille dame, que Kei identifie tout de suite à sa grand-mère qu’il n’a jamais connue, celle qui lui aurait fait des gâteaux de pain d’épice avec de petits vermicelles de couleur, celle qui aurait partagé avec lui des moments inoubliables devant des jeux concours ringards passant à l’heure de la sieste… Une vraie mamie. Qui vient même s’adresser à lui, le regard tremblotant d’espoir, ses vieilles mains fragiles crispées sur un sac en plastique contenant sûrement le dernier numéro de « Confiserie magazine ». Kei, dans un élan, s’apprête à la prendre dans ses bras, les larmes aux yeux et un sourire d’enfant émerveillé sur les lèvres… quand il se souvient de ce qu’il est censé être. Son geste se bloque, son sourire devient rictus, et dans un énorme effort de volonté, il repousse la pauvre vieille dame sans défense, et refuse de lui donner le précieux renseignement qu’elle venait demander en toute humilité. Ce geste leur perce le coeur à tous deux, mais les lois du manga sont ainsi faites. Le bad boy ne peut se laisser aller à ses pulsions profondes de choupitude, il se doit de rester digne, froid, méprisant, et pervers. Regardant le vieux dos voûté s’éloigner sur le quai, le pauvre garçon étouffe un sanglot, mais tente de se raisonner. « Si le mangaka se rend compte que je ne suis qu’un héros de pacotille, tout juste un acteur de seconde zone, incapable de mimer la méchanceté d’un coeur… il peut décider de me remplacer. Je ne pourrais le supporter ! Que deviendrait ma vie si je n’étais plus le personnage principal de Gantz ? Allons, allons, Kei-chan, reprends-toi. Pense à tous ces héros décevants qui ont provoqué le naufrage de leur série, et sont morts ensuite dans le dénuement le plus total ! Tu ne peux faire cela à ta pauvre mère. » A l’idée de sa gentille maman obligée de se vendre comme personnage secondaire de manga ecchi pour subvenir à ses besoins, Kei reprend courage, et balaie les alentours d’un regard résolu. « Aucun de vous ne mettra à nouveau ma façade en péril ! Je resterai le héros de Gantz, même si cela me coûte affreusem… » …Tout s’arrête dans sa tête. *suspense* Dans son champ de vision était entré… Kato. LE Kato. Les souvenirs affluent dans le cerveau de Kei. Lui et Kato, enfants, courant dans le soleil couchant… Tant de choses entre eux… Tant de moments ensemble depuis la petite enfance…Leurs jeux idiots, leurs défis puérils… Les confidences partagées… Leur joie quand ils s’étaient aperçus qu’ils voulaient tous les deux devenir héros de manga… Et cette complicité de plus en plus forte… Le rire de Kato, si rare et si précieux que Kei était prêt à toutes les folies pour le faire sonner… Et puis…Les nombreuses lettres d’amour parfumées à l’écorce de mandarine qu’il avait écrites, tard le soir, sans jamais les donner à son ami… Les premières disputes, à cause d’une fille amoureuse et de la réponse positive de Kato à sa déclaration… Les pleurs du pauvre Kei, cette sensation atroce de trahison… Et pourtant, ce bonheur d’être quand même aux côtés de l’être cher, cette souffrance délicieuse de l’amour que l’on vit à sens unique… Et le jour où ce fut la fin. Ce jour où Kato annonça à son meilleur ami son embauche en tant que personnage secondaire d’une obscure équipe dans un shônen sportif. Ce n’était pas la consécration, certes. Mais déjà un premier pas vers son rêve. Et Kato partit. Pour le jour de leurs retrouvailles, Kei n’aurait pas imaginé de lieu plus incongru. Des milliers de questions s’entrechoquent dans son esprit : Kato est-il à nouveau là en tant que personnage secondaire ? Va-t-il le voir ? Le reconnaître ? Après tout, des années ont passé…. Même si son amour n’a pas faibli une seule seconde. Des cris arrachent Kei à son émoi flashbackien romantique : un homme vient de tomber sur la voie ! Son sang ne fait qu’un tour. « Le pauvre homme ! Je dois le sauver, il a sûrement dû être poussé par un malandrin… Et ses gémissements et grommellements sont la preuve que le malheureux est sous le choc ! Ah mais que la vie est cruelle… Si je n’étais pas ce bishônen sans coeur, je pourrais voler à son secours tel un aigle… » Du coin de l’oeil, il voit soudain son aimé se redresser, l’air décidé, et laisser tomber son corps athlétique sur la voie, pour se précipiter vers l’homme en détresse. « ….Quoi, se dit Kei, interloqué, son personnage l’autorise à accomplir cet acte purement altruiste ? Ou alors… Peut être qu’ils se connaissent… Peut être que cet homme… Non, cela ne se peut ! Kato, mon Kato, ne peut être attiré par cet homme. Oh, je dois y aller, il le faut, il le FAUT, je ne peux les laisser s’enlacer ainsi sur ce quai… Mais mon personnage… Ma pauvre maman… » Kei ne sait plus que faire. Son coeur est déchiré entre sa soudaine jalousie et son devoir de bon fils et de bon héros. Troublé, il réalise à peine que soudain son cher Kato se tourne vers lui, et le hèle : « Kei ! Kei, c’est toi ? Viens m’aider, flûte ! » Que faire ? Son amour, probablement l’homme de sa vie, est là, à l’attendre ! Kei sent son sang bouillir dans ses veines. Le visage de sa mère, la volonté du mangaka s’effacent de son esprit désormais uniquement tourné vers ce jeune homme merveilleux qui lui tend les bras. Il se jette à son tour sur le quai sale, le coeur bondissant tel une biche, et rejoint son aimé. « Je pensais que tu m’avais oublié, je… Oh, je suis si heureux ! Kato… - Bon c’est rien Kei, on va pas en faire une maladie hein… Je sais, je t’ai pas appelé, mais tu sais ce que c’est… J’ai pas trop eu le temps, tout ça… Pour le moment on a autre chose à faire hein, y a cet espèce de naze qui s’est cassé la figure tout seul, on a intérêt à le remonter avant de se faire hacher par le prochain train, alors réveille toi un brin ! - Ah Kato, je suis si heureux de te retrouver… Tu sais, pour te rejoindre sur ce quai, j’ai fais fi de tout, j’ai abandonné mon rôle, ma pauvre chère maman… C’est parce que je ne veux que toi. Je ne te l’ai jamais dit avant, mais Kato, si tu savais comme je t’… - C’est fini, oui ? Je me contrefiche de ta mère, de ta niaiserie, et… et… tu me saoules ! Et je te signale que si tu avais LU le scénario, tu SAURAIS que tu es censé me rejoindre sur ce foutu quai avec ce foutu clodo ! » Kei couvre son ami d’un regard ému… Comme son franc-parler lui avait manqué ! Et cette histoire de scénario… Mais enfin, tout le monde sait qu’un vrai bon personnage n’a pas à lire le scénario avant de débuter, il perdrait toute fraîcheur et toute spontanéité en connaissant toutes les ficelles à l’avance… Comme il est taquin, ce Kato ^^… Kei en est encore là de ses réflexions admiratives, quand un grand bruit se fait entendre derrière eux… Se retournant, il voit se rapprocher à toute vitesse deux phares, qui me peuvent annoncer qu’une seule chose… Un train. Kato, qui a réussi à remettre le clochard sur le quai, lui hurle de se dépêcher, de faire quelque chose, de courir… Il court, en effet, et attrapant son ami par le bras, le tire vers le bout du quai… « Mais qu’est ce que… Mais t’es taré ! - Non, nous pouvons être sauvés… Le train s’arrêtera avant de nous toucher ! - T’es vraiment malade… Mais on a plus trop le choix. Grouille ! » Kei court, le coeur léger. Il sait très bien que le train ne va pas s’arrêter. Mais après tout, il vient de sacrifier sa carrière, sa maman… Quelle meilleur fin peut-il y avoir qu’un suicide en amoureux ? ^^ *Shplafsh* \\o FIN o//